Nue dans la chambre panoramique, Lili fumait en commentant la vue. Je la sentais forte et insoumise, ce qui ne fit que renforcer l’admiration naissante que j’éprouvais pour elle. Lili trouvait exaltant de se balader nue. Elle n’avait absolument aucune pudeur. D’un côté, cela me charmait et me faisait rire, de l’autre, étant moi-même extrêmement pudique et complexée, je ressentais une gêne diffuse.
Se dirigeant vers la douche, Lili saisit ses vêtements et entreprit d’en savoir un peu plus sur moi. Avais-je des frères et des sœurs ? Un animal de compagnie ?
– Et tes parents ? Ils font quoi ?
Ayant été élevée par ma tante, je me gardai de lui répondre à ce sujet. Par habitude, et pour ne pas dévier de ce que j’avais dépeint à Gülsha et à son père, je bredouillai la réponse mise au point des années auparavant : mon père était pilote de ligne et ma mère hôtesse de l’air, mais ils étaient morts tous les deux.
Ce n’était pas si facile, de faire connaissance. Cela demandait un minimum de franchise, de dépouillement, d’exposition. Je me prêtai au jeu comme je pus, en dissimulant au mieux mon envie de me retrancher dans ma confortable solitude.
Cependant, plus les heures passaient, plus Lili me happait et plus je ressentais le besoin de me confier.
– Il faut que je te parle de quelque chose….
– Hmm… dis moi
– Tu connais Cyclone Taiiri ? Le peintre ? C’est le propriétaire de cet endroit.
– Je sais qui il est. On rencontre beaucoup d’artistes au Normand. Je crois qu’il venait manger à une époque, mais je ne lui ai jamais parlé.
– Et un certain Gérard ? Un gars qui est chauffeur pour les célébrités à Deauville.
– Ça me dit rien. Comment il est ?
– Grand, mince, élégant. Il conduit une voiture bleu nuit. Une Renault 16 je crois. Un faux calme avec un bilboquet.
– Non, ça m’dit rien… Pourquoi ? Il te plaît ?
J’éludai sa question et décidai de tout lui raconter. Le bus, Cyclone, le BRS, la proposition de travail, le rôdeur des Roches Noires, mon retranchement dans le phare et la disparition de mes complices.
– Ah ! Étrange ! Et qu’est ce que tu comptes faire ? Prévenir la police ? Repartir à Paris ?
Devant mon silence déconfit, elle poursuivit :
– Je prends mon service dans une heure et il faut que tu récupères ton Solex. Si ça te va je t’emmène à Villerville, on boit un café à la maison, on voit si le téléphone fonctionne et on avise. Procédons par étapes !
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