Le premier livre dont je me souvienne, c’est Jojo Lapin roi des malins, d’Enyd Blyton. Ensuite viendront Le Club des cinq, puis Le Clan des sept. C’est avec eux que je m’endormirai chaque soir : après que mes parents aient éteint la lumière, je sors une lampe de poche et je reprends ma lecture sous les draps, jusqu’à ce que le sommeil m’emporte.
Je découvrirai assez tard que cette romancière a fait l’objet de critiques sévères (simplicité de ses textes, xénophobie, racisme…) mais je préfère garder avec moi le souvenir des moments précieux passés à dévorer ses livres… J’étais une enfant. Ces considérations-là m’étaient totalement étrangères.
Des Malheurs de Sophie à Fantômette en passant par Alice détective, bibliothèque rose ou verte, dans la maison en Normandie, les livres sont partout.
En grandissant, une autre bibliothèque va m’intriguer. Elle s’étale de la chambre d’amis aux placards de l’entrée, au cagibi, dans les malles des vacances. C’est la bibliothèque parisienne. Celle de mon grand-père maternel. Les couvertures des livres sont jaunes et noires, noires et rouges. Policiers, romans d’espionnage, ils m’hypnotisent. Je les observe en cachette. Ceux-là je n’y ai pas accès. Trop jeune. Alors je les rêve. Je les espère. Imaginer ce qu’ils contiennent d’aventures nourrit mon cinéma intérieur.
L’adolescence verra se succéder poètes maudits et icônes légendaires. Rimbaud, Baudelaire, Lautréamont, Jim Morrison, Edgar Allan Poe peuplent mon spleen et mes désirs de liberté. Avec eux, j’écris. J’écris. Je poétise. Je correspond. Je donne corps à des fictions. Mon quotidien les alimente. Je vis dans un long roman auto-fictionnel.
Mais la rencontre qui a tout changé, je la ferai dix ans plus tard. L’auteur s’appelle John Fante et le livre Demande à la poussière. Je suis sous le choc. Le coup de plume, le rythme, le style, l’univers. La façon de planter le décor, de donner vie aux personnages. Tout y est. Je veux écrire et je veux écrire comme ça. C’est à dire, pas comme lui, non. Je veux trouver ma musique, ma sonorité, ma voix. Faire claquer les phrases, s’entrechoquer les mots. Emmener le lecteur dans mon monde. Le faire voyager comme Fante m’a fait voyager.
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