Incarnat, tilleul ou paon
Murmures d’ardoises
Orangers de velours
Vapeurs de shilom argenté…
Place au texte !
Acrobates les mots
Ils courent sur le fil rouge
Attendez que je vous attrape…
Regarde dans le creux de ma main, ils sont là
Blottis les uns contre les autres
Cinq petits mots
Les toits d’ardoise sont pentus. Ils sont pentus et gris. Le ciel au pays des toits d’ardoise est lourd comme une vache à eau. Souvent il craque. Il éclate. Il sanglote et dégouline sur les murs jaunes, sur les volets couleur tilleul, sur l’incarnat des fleurs des champs.
Au pays des toits d’ardoise on ne rêve pas. On n’en a pas le temps. C’est le pays du ciel fâché. On court, on s’abrite, on s’éclabousse, on se liquéfie. Quelquefois on prend la tasse chez un voisin ou une vieille tante quelquefois on y reste un peu il arrive que l’on somnole en écoutant tomber la pluie sur les toits gris.
Au pays du ciel fâché, quand on ne court pas quand on ne s’abrite pas on tourne son regard vers la mer. On la flaire on la respire on se glisse dans son flot on en sort tout bleu tout gelé on grelotte. Alors on s’agite on cabriole on se réchauffe on se frotte les mollets les bras le cou certains poussent des cris.
Au pays des toits d’ardoise les cheminées fument autant que les marins et autour d’elles dans les basses maisons de pierre il se murmure des secrets, des histoires.
Il se dit que quelqu’un vient. Un homme, un bourgeois, un comte ou un marquis. Peut-être un descendant de roi, qui sait ? On dit qu’il viendrait du pays des toits de tuile. De ce pays que la pluie n’a jamais franchi, ou si peu. Là où poussent des fruits de velours, où les femmes sont nimbées de vapeur d’eau et de fleurs d’orangers.
Dans les basses maisons de pierres le soir s’entendent des histoires qu’au matin la pluie et le vent racontent au ciel fâché.
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