Était-ce l’air marin ou le calme de la maison, je dormis d’un sommeil de plomb et me levai vers dix heures. Après un solide petit-déjeuner, j’annonçai à Cyclone que je partais faire un tour sur la plage. Je marchai durant plus d’une heure. Le temps, qui était au beau fixe à mon réveil, s’était assombri, le vent s’était levé et la température avait brusquement chuté. Je rentrai, aidai Gérard qui s’affairait en cuisine et nous nous mîmes à table autour d’un déjeuner frugal. Nous discutâmes un long moment du périple que nous allions accomplir, fixâmes l’heure du départ au lendemain, sept heures du matin.
S’ensuivit la ronde traditionnelle du rangement, du nettoyage puis Gérard disposa de la table pour y étaler une carte de France et un guide routier. Plus de mille kilomètres nous séparaient de notre destination. Me penchant pour lire ce qu’il inscrivait sur son petit carnet, je notai qu’il incluait des étapes où nous restaurer. Cyclone, de son côté, annotait consciencieusement des fiches et des photographies, les glissait dans de petites pochettes de papier léger et me fit savoir qu’il s’agissait d’œuvres que je devrai répertorier une fois revenus de Mougins.
L’après-midi se passa dans une ambiance détendue, chacun s’occupant à sa façon, tous trois dissertant de choses et d’autres, et moi découvrant de nouvelles facettes du Surréalisme.
Vers dix-neuf heures trente, je constatai que Gérard tenait le rôle de factotum. Attirée à la cuisine par un fumet d’oignons qui blondissaient, je le vis, protégé d’un tablier bleu, tantôt remuant une marmite, tantôt y versant le contenu d’une planche à découper, tantôt épluchant des pommes de terre et des carottes, le tout avec une rapidité et une dextérité qui m’épatèrent. Je proposai de lui prêter main forte et l’interrogeai sur la teneur de notre repas du soir :
– Lapin au cidre et pommes vapeur, accompagnés d’un Bourgogne Hautes-Côtes de Beaune. Est-ce que ça conviendra à Madâââme ?, dit-il en souriant. Puis il posa le couvercle sur la marmite en fonte, régla le gaz au minimum et commença à ranger la cuisine.
Dans le vestibule, le téléphone sonna. Nous entendîmes Cyclone parler sans comprendre ce qu’il disait, raccrocher et venir nous rejoindre.C’était Gülsha. La communication était très mauvaise ! J’ai juste réussi à saisir que mon épouse s’est blessée. Gérard, nous partons immédiatement. Jeanne, vous nous attendez ici. Je vous appellerai dans la soirée pour vous dire ce qu’il en est.
Le vieil homme s’était métamorphosé. Son naturel doux et tranquille avait laissé la place au caractère ferme et sans appel d’un chef d’entreprise.
Cabinet de curiosités littéraires - Textes d'ateliers d'écriture créative - Roman-feuilleton
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